Les noms Assassin  et Vieux de la montagne

 

De fait, le mot « assassin » sera rapidement employé dans toutes les langues d’Europe. On l’utilisa d’abord à tort et à travers, imaginant que le meurtre de tel ou tel prince venait d’un membre de cette mystérieuse secte, puis le mot se généralisa et devint, dès le XIVe siècle, un nom commun désignant un meurtrier.

Cannabis sativa, illustration du Codex Vindobonensis de Dioscuride, 512.

Cannabis sativa, illustration du Codex Vindobonensis de Dioscuride, 512.

L’étymologie du mot est l’objet d’un débat encore non résolu. La célèbre hypothèse qui renvoie le vocable arabe hachîchi (au pluriel hachîchiyyin) et ses variantes assissini, assassiyoun (selon les transcriptions) à haschisch semble peu fondée.

Cette théorie a pourtant participé à l’attrait légendaire de la secte, notamment à partir du XIXe siècle, comme nous le verrons dans une note consacrée à l’orientalisme. Mais le haschisch était une plante déjà bien connue et consommée à l’époque, pas seulement par un groupe de tueurs fanatiques. D’autre part, aucune source ismaélienne ne mentionne l’usage de drogues participant d’une manière ou d’une autre au passage à l’acte de ces Assassins.

Amin Maalouf propose une version plus convaincante dans l’excellent roman Samarcande : « D’après les textes qui nous sont parvenus d’Alamout, Hassan aimait appeler ses adeptes Assassiyoun, « ceux qui sont fidèles au Assas », au « Fondement » de la foi, et c’est ce mot, mal compris des voyageurs étrangers, qui a semblé avoir des relents de haschich. [1]»

Cependant, il semblerait que toutes les sources arabes ou persanes employant ce terme le renvoient à la branche syrienne, et non à la branche iranienne[2]. Donc Hassan ibn Sabbah n’aurait selon toute vraisemblance pas lui-même nommé ses tueurs fanatisés ainsi.

L’expression du Vieux de la Montagne, quant à elle, aurait été utilisée essentiellement par les Croisés. Pour les arabes, le terme Cheikh, qui signifie Vieux, est généralement employé en marque de respect, donc il paraît naturel que les ismaéliens aient appelé ainsi leur seigneur. Mais l’expression complète n’apparaît dans aucune source arabe ou persane. Les Croisés se seraient donc inspirés de la formule arabe et l’auraient développée…


[1] Amin Maalouf, Samarcande, éditions Jean-Claude Lattès, 1988, p. 150.

[2] A ce sujet, voir Bernard Lewis, Ibid., p.43.

 

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