La peinture à l’huile

 

Jean Dytar, extrait de La Vision de BacchusUne légende tenace, propagée par Vasari dans ses Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (1550 et 1568), raconte que la peinture à l’huile a été introduite en Italie par Antonello de Messine, à la suite d’un voyage dans les Flandres où le sicilien aurait rencontré Jan Van Eyck, qui aurait mis au point cette technique.

En réalité, Antonello n’aurait pu rencontrer le grand peintre flamand puisqu’il avait une dizaine d’années quand Van Eyck est mort, en 1441. Ce voyage en Flandres est d’ailleurs peu probable, bien que certaines années soient très mal connues dans la biographie d’Antonello. Enfin, Jan Van Eyck n’était lui-même pas le véritable inventeur de la peinture à l’huile. Il a plus vraisemblablement développé avec un dosage et un raffinement extrême le mélange de produits (huile de lin ou de noix, pigments, résines) déjà connus depuis le XIe siècle, et résolu le problème du séchage de cette préparation. Car pour que cette peinture aux qualités exceptionnelles puisse être pratiquée, il fallait qu’elle puisse sécher à l’ombre dans un délai raisonnable.

 

Cette solution technique, qui atteint grâce à Van Eyck un niveau de perfection jamais connu jusqu’alors, va permettre aux peintres d’appliquer des glacis, ces fines couches de peinture qui donnent aux couleurs tout leur éclat par le jeu des transparences.

Jean Dytar, extrait de La Vision de Bacchus, p.27

Vasari en dit, à la fin de la note consacrée à Antonello de Messine : « Grâce à cette invention, les peintres sont arrivés à donner presque la vie à leurs figures. Cette méthode est d’autant plus merveilleuse, qu’aucun écrivain ne nous apprend qu’elle fût pratiquée par les Anciens. » En Italie et dans toute l’Europe avant que cette nouvelle technique ne se propage, on diluait essentiellement les pigments à l’eau (technique de la détrempe) ou à l’œuf (technique a tempera).

Il paraît raisonnable de penser qu’Antonello a pu se trouver à Naples en présence de collections artistiques provenant de divers horizons (Espagne, Provence, Toscane, Flandres). Fort de ces connaissances et d’une curiosité insatiable qui l’a conduit à repousser sans cesse les limites de son art, il a réussi progressivement à faire la synthèse de tous les savoirs artistiques de son temps. Il n’y a donc pas de raison de remettre en question l’importance d’Antonello dans la diffusion en Italie de cette technique de la peinture à l’huile. Mais comment a-t-il découvert le secret du mélange de Van Eyck ? On ne sait pas. Peut-être lui a-t-il été transmis par quelque peintre flamand. Peut-être aussi a-t-il redécouvert des alliages semblables par sa propre expérimentation…

 

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